28 Octobre 2019

"Pour développer Inga 3, il faut une vision claire, commune et partagée par tous les acteurs concernés" (Resource Matters)

Le Projet "Inga 3 est possible mais si seulement il y a une vision claire, commune et partagée par toutes les parties devant se mettre ensemble pour le développer", a fait savoir la directrice générale de Resource Matters qui regrette que "pour l'instant, c'est ce qui manque".

Annoncé pour 2023, Inga 3 ne sera pas sorti de terre à la date prévue. Selon les ONG Resource Matters et Groupe d’étude sur le Congo, qui publient ce lundi un rapport sur le sujet et intitulé "Inga III, un projet gardé dans l'ombre", cela serait notamment du au fait que la manière avec laquelle est gérée ce projet n’inspire pas confiance. 

"Inga 3 est un projet qui fait rêver depuis longtemps, qui pourrait générer énormément d'électricité pour le Congo, pour la région et pour le continent africain", explique Elisabeth Caessens qui estime que pour qu'il se réalise, "il faut que énormément d'acteurs se mettent d'accord sur comment avancer. Et c'est là que pour l'instant, ça bloque".

Elle souligne le fait qu'il faudrait "mettre d'accord le gouvernement congolais, les investisseurs, ceux qui sont prêts à développer ou à financer le projet". 

"Il faudrait, pour développer ce projet, plus de 14 milliards de dollars américains. À l'heure actuelle, c'est qu'il y a eu un accord, il y a à peu près un an entre le Congo, notamment l'agence qui gère le projet Inga, et deux consortiums (un espagnol et un chinois) pour développer un projet de 10 gigawatts au moins", prévient la directrice générale de Resource Matters qui indique également qu'il "s'avère que cet accord est aujourd'hui fragile".

"D'un côté, ces deux consortiums, qui sont censés travailler ensemble, faire des études supplémentaires, développer le projet et lever des fonds, ne s'entendent pas très bien. Mais de l'autre côté, même au niveau du Congo, on voit que la vision qui était adoptée par cette agence est en train d'être remise en cause. À l'heure actuelle, on voit que ce projet, qui pourrait être très intégrateur n'avance pas parce qu'il y a de discorde", souligne Elisabeth Caessens.

Une gestion opaque...

Un des soucis qu'on a constaté dans notre analyse de la façon dont le projet est géré depuis environ 2015, poursuit-elle, "est que très peu d'acteurs sont associés aux négociations. À l'heure actuelle, c'est l'agence pour le développement et la promotion du grand projet Inga 3 qui gère le projet. C'est une structure qui est placée sous la Présidence depuis 2015 et début 2016. Depuis lors, on voit que beaucoup d'autres structures ne sont plus associées aux discussions et ne sont plus au courant de ce qui se passe, notamment le gouvernement, y compris le ministère de l'énergie. Certains cadres très haut placés dans le ministère n'ont, par exemple, pas vu les propositions, les accords, etc. Ça c'est un grand problème", déplore Elisabeth Caessens.

D'après la directrice générale de Resource Matters, le Parlement n'est pas vraiment associé non plus. "Le problème avec ce type de gestion-là, c'est que de plus en plus, des acteurs qui pouvaient être en faveur du projet se désengagent. Par exemple, on a demandé au Parlement d'approuver une loi spéciale pour le projet Inga 3, il n'en a même pas discuté. Le Parlement a rejeté le projet de loi en bloc car il n'est pas au courant. Quelque part, un des problèmes pour avancer avec le projet est qu'il faut mettre ces gens d'accord. On ne va pas pouvoir mettre les gens d'accord tant que le projet est géré par une structure qui ne met pas au courant les autres", souligne-t-elle.

Les pistes de financement

Actuellement, relève Elisabeth Caessens, le financement n'a pas encore été accordé. Même à ce niveau, considère-t-elle, "il y a des discussions et différentes visions. Pour la prochaine phase, prévient la directrice générale de Resource Matters, "l'idée est que les deux consortiums qui ont été retenus, les chinois et les espagnols, lèvent les fonds. Il faudrait environ 80 millions de dollars pour des nouvelles études complémentaires, les études sur l'impact sur l'environnement, sur la population, les études techniques".

"Une autre idée est possible et serait celle de dire que ce sont les bailleurs multilatéraux, par exemple la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement (BAD), qui appuient ce genre d'études. On n'est pas dans cette logique là mais on voit qu'au sein du gouvernement, certains voudraient rentrer dans cette logique-là", a-t-elle laissé entendre.

À 
supposer qu'on reste dans la logique actuelle, c'est-à-dire que malgré leur discorde, les chinois et les espagnols continuent à avancer ensemble, à la fin on aura besoin de lever au moins 14 milliards de dollars, renseigne Resource Matters qui précise que "cet argent-là viendra forcément de beaucoup de sources différentes et pour que ces gens là puissent se mettre dans le bain et accompagner vraiment le projet, ils doivent savoir ce qui se passe".

Elisabeth Caessens martèle que "c'est à ce niveau que nous, on espère vraiment reouvrir le dossier", rappelant qu"avant "2015 quand la structure qui gère ce projet était sous la Primature, au niveau du gouvernement, il y avait cette dynamique multi-acteurs qui impliquait les entreprises, le gouvernement, la société civile et les bailleurs pour comprendre et avancer ensemble mais actuellement, ce n'est pas le cas".

Inga 3, quel bénéfice pour la population ?


Quant à savoir si la concrétisation d'Inga 3 pourrait bénéficier à la population, la directrice générale de Resource Matters note que "malheureusement, dans le document que nous avons vu, il n'y a aucune garantie que sur la conception actuelle du projet, il y aura une partie de l'électricité qui sera réservée pour la population".

"On parle de 10 gigawatts. C'est énormément d'électricité. C'est 4 fois plus que le Congo a, pour l'instant, comme production de l'électricité. Il y a de références dans certains procès verbaux comme quoi 3 [gigawatts] seraient réservés au Congo. Depuis lors, il y a eu des accords préliminaires qui ont été signés et malheureusement, cela contraint les investisseurs, dans ces accords, on ne retrouve pas les 3 gigawatts. C'est possible [que ces 3 gigawatts soient réservés au Congo] mais le problème est que cela n'a pas été garanti dans ces accords. Et même si on peut avoir ces 3 gigawatts pour le pays, ce n'est pas sûr qu'au sein du Congo, qu'on trouve vraiment la population congolaise"
, craint-elle.

La directrice générale de Resource Matters reconnaît que "c'est possible que la grande partie de cette électricité parte plutôt vers les miniers" mais s'interroge sur le fait de savoir si, considérant la promesse du Président Félix Tshisekedi "de presque doubler le taux de l'électricité pour la population d'ici 2023", le projet "Inga 3 pourra y contribuer".

Consommation de l'électricité par le congolais


Elisabeth Caessens reconnaît que selon les chiffres, qui varient, c'est entre 5 et 16% de la population qui ont accès à l'électricité au stade actuel. 

"Il y a autant de petites structures, sociétés et des gens qui ont des générateurs et investi leur propre argent pour avoir accès à une électricité polluante et plus chère d'ailleurs que celle que pourrait générer Inga 3. C'est là qu'il faudrait qu'on réfléchisse pour savoir quelles sont ces autres pistes d'électrification qui permettraient de remplacer les générateurs par un courant électrique propre, stable et abordable", pense-t-elle.

Ces ONGs, explique Elisabeth Caessens au sujet du rapport, ne sont pas contre le projet Inga 3. "Le coût d'électricité qui en sortira est extrêmement faible même si quelque part, ça part vers les miniers. Pour nous, il faudrait une répartition équitable entre la population, les miniers et l'extérieur", souligne-t-elle en étant d'avis que "même la partie qui va vers les miniers, si l'électricité est moins chère pour les miniers, on peut générer plus de recettes fiscales et contribuer au pays".

Cependant, Resource Matters invite à considérer le fait qu'il "y a d'autres pistes d'électrification pour la population qu'il faudrait étudier aussi".

Le solaire par exemple, explique Elisabeth Caessens, "il y a un énorme potentiel du solaire au Congo" et "il faut réfléchir à toutes ces pistes pour arriver à trouver celles qui peuvent améliorer l'électricité pour la population dans les délais plus vite que ce que Inga 3 pourrait faire".

Alain Tshibanda
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