15 Juillet 2022

« L'État de droit à 100% est impossible en l’état en RDC »

Justice le 15/07/2022 à 18h36
« L'État de droit à 100% est impossible en l’état en RDC »

"Si nous prenons le terme État de droit dans son concept tant juridique, philosophique que politique, il est impossible ou difficile d'avoir à 100% un État de droit", estime le procureur Edmond Issofa, président du Syndicat national autonome des magistrats (SYNAMAG), paneliste de la thématique "Justice congolaise et État de droit", à l'occasion de 19 ans de TOP CONGO FM.

La raison, explique-t-il, "nous avons vécu des années durant des situations qui ont fait que l'État de droit a vraiment reculé en ce qui concerne l'administration de la justice dans notre pays".

Neamoins, nuance-t-il, "nous pouvons faire mieux et atteindre ou dépasser certains pays d'Europe et d'amérique, atteindre un État où il y aura la prééminence du droit, de la loi sur toute autre chose, toute autre considération. Avec la volonté politique exprimée, j'estime que nous pouvons faire mieux qu'aujourd'hui", insiste Edmond Issofa. 

Pas de mélange de genres 

"Si vous voulez mélanger justice Congolaise, État de droit et procès équitable, vous risquez de faire fausse route", pointe, pour sa part Maître Coco Kayudi, président du barreau de Kinshasa/Matete, autre paneliste à qui on demande si, au-delà de la question initiale, un procès équitable est-il possible au Congo-Kinshasa.

"Tous ces concepts peuvent être confrontés à la réalité pour prendre la mesure de l'administration de la justice dans notre pays".

Est-il possible d'avoir un procès équitable en RDC ? 

"La réponse est affirmative", assure cependant cet ancien avocat de l'État Congolais dans le procès dit des 100 jours où Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet du Chef de l'État (désormais acquitté) était accusé de corruption et détournement d'argent public. 

"Est-ce qu'au Congo on peut avoir un procès équitable", se questionnne-t-il encore? 

"Oui. D'ailleurs la pratique judiciaire Congolaise, sous réserve de quelques exceptions, est marquée par le procès équitable, c'est-à-dire un procès dans lequel les règles de procédure sont appliquées, un procès dans lequel la défense est assurée, un procès dans lequel les juges tranchent en ayant égard aux lois", soutient Maître Kayudi.

Après, ces juges "le font-ils bien à la satisfaction de la population ou de l'opinion publique ? C'est une autre question. Devraient-ils le faire mieux qu'ils ne le font aujourd'hui ? Je pense que c'est également possible", conclut le bâtonnier.

"Est-ce que dans leur état structurel actuel, les parquets, cours et tribunaux sont-ils capables d'assurer un procès juste et équitable sans oublier d'autres intervenants, les barreaux ?", s'interroge le 3ème paneliste Maître Georges Kapiamba, président de l'ONG Association pour l'accès à la justice (ACAJ).


"Nous disons oui", répond-t-il, "parce que nous avons des magistrats, des hommes et des femmes formés, dont la plupart ont déjà une expérience dans la conduite des procès, il y en a qui savent équilibrer le débat, des gens qui savent, si vous êtes au parquet, assurer une instruction à charge et à décharge jusqu'a ce que le procès soit fixé, des gens savent que si quelqu'un est arrêté et mis en détention préventive, les lois imposent qu'après 5 jours, il soit présenté devant un juge pour confirmer sa détention préventive et pour le prolonger (le cas échéant). Et que lorsque le procès doit commencer, il faut notifier à toutes les parties intéressées pour que chacune d'elle vienne présenter ses moyens  et assurer aussi que les parties bénéficient du droit de se défendre elles-mêmes ou d'être assistées des  avocats de leur choix", confie l'activiste des droits de l'homme.

"Mais, il y a (encore) des pesanteurs. Les conditions dans lesquelles la plupart de personnes sont interpellées, auditionnées et détenues au niveau des services de sécurité ne respectent pas les principes d'un procès équitable et lorsque les gens sont envoyés en prison, nous constatons dans beaucoup de procès, qu'il y a beaucoup de personnes qui comparaissent devant les juges sans avoir des avocats pour les assister", épingle-t-il.

Certes "les barreaux essaient de faire quelque chose mais nous observons beaucoup de procès, principalement dans nos prisons, les prévenus comparaissent seuls. Sans oublier des arrestations qui sont de plus en plus opérées, aujourd'hui, par les services de sécurité mais aussi par la justice militaire, au niveau principalement des auditorats", relève encore Maître Kapiamba. 

En définitive, "c'est possible, mais il y a encore des pesanteurs, des obstacles". 


Éric Lukoki

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