"Nous n'avons pas un Etat. Nous avons perdu le contrôle de notre arc le plus utile, l'arc oriental jusqu'au Sud du Katanga en passant par le Nord, Sud-Kivu et l'Ituri, ce sont des lieux occupés par plus de 140 groupes armés qui servent des centres de pillage de toute notre énergie, de toute notre capacité en terme d'or, de coltan exploités par les pays voisins", analyse Jacques Djoli, député national, élu de Boende (Équateur) et inspecteur général du Mouvement  de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba.

Invité du Magazine FACE-À-FACE sur TOP CONGO FM, il constate que "pendant ce temps, nous sommes entrain de nous chamailler comme lorsque nous avons accédé à l'indépendance".

La République des querelles 

"Je ne peux comprendre que 60 ans après", se plaint-il,  "que nous soyons dans les chamailleries politiciennes, chamailleries au sein de l'exécutif, des chamailleries entre l'exécutif et le législatif,  des chamailleries au sein du législatif, des chamailleries entre le législatif et le judiciaire sur des lois portant indépendance du pouvoir judiciaire, sur des postes à l'Assemblée (et) à nous faire arrêter au nom de la flagrance".

En somme, "une grosse distraction alors que nous battons tous les records négatifs", note Jacques Djoli.

Il embraye: "nous n'avons pas compris la finalité de cet espace que Dieu nous a donné pour construire un Etat, c'est-à-dire une organisation qui prend en charge le bien commun, la destinée commune. Nous n'avons pas donné un sens à cet État"

Vous avez dit État de droit ?

Le député de l'Opposition ne croit pas non plus au discours sur "l'Etat de droit utilisé plutôt comme slogan que politique visant des réformes structurelles".

Il note, "nous parlons d'État de droit en terme de bruissement et tout  simplement de théâtralité".

Et de s'interroger : "nous sommes-nous donnés les moyens de mener des réformes pour sortir de cette économie de rente où nous exportons les minerais à l'état brut ? Sans vision?".

L'élu de Boende souligne que "nous n'avons même pas la capacité de réfléchir pour dire qu'est-ce qu'on fait du site d'Inga alors que même sur ce site, les gens sont dans l'obscurité. Nous n'avons pas de port en eau profonde, pas de route, pas d'économie. Nous importons même le cure-dent".

Et d'égréner : "nous avons un budget d'à peine 5 milliards de dollars pour plus de 80 millions d'habitants que nous ne savons même pas recenser, nous ne savons nous donner de l'eau, (notre) taux de desserte d'eau est l'un des plus faibles d'Afrique, moins de 20%. Nous ne savons pas avoir l'électricité alors que nous avons un potentiel hydroélectrique qui peut électrifier toute l'Afrique".

Sortir de l'abrutissement des partis politiques 

"60 ans après, il faut sortir de ces chapelles d'abrutissement que sont le plus de 700 partis politiques qui ne servent pas d'ateliers de production du savoir pour le développement, des centres de productions idéologiques", s'énerve-t-il

"Nos partis politiques souffrent d'un nanisme idéologique autour des intérêts à court terme", constate-t-il,  alors que "sans idéologie, il n'y a pas de mouvement".

En guise de remède, l'ex-sénateur préconise "une vision programmatique, une volonté, de nouvelles synergies, de nouvelles convergences, retrouver des hommes qui aiment ce pays, qui se retrouvent dans cette fausse dialectique autour des intérêts à court terme pour finalement sortir de la géopolitique du vide, pour avoir une prospective de transformation de notre société".

Pour Jacques Djoli, "il faut vraiment que nous puissions nous réapproprier le débat sur notre hymne, qu'on peut appeler (débat) hymnologique : debout congolais".

Éric Lukoki